
Patrimoine, collections, musées. Une confrontation entre professionnels d'Europe et d'Afrique
Propos
Les débats qui concernent les musées sur les pratiques de décolonisation sont permanents et évoluent, prenant en compte les conséquences globales du colonialisme dans les sociétés contemporaines, notamment les inégalités sociales et économiques, la marginalisation de certaines populations, les menaces persistantes pesant sur les peuples autochtones et leurs terres traditionnelles, le racisme institutionnel et le sexisme sous toutes leurs formes.
La décolonisation, dans ses nombreuses significations données par les musées et les conservateurs, est une pratique et une entreprise qui s’inscrit dans un continuum – qui lui- même se présente différemment dans différentes parties du monde – abordant différentes histoires difficiles de relations politiques et de processus de création d’empires, et qui se traduisent par diverses solutions expérimentales. Mais une chose générale à reconnaître dans le débat en cours est que la « décolonisation » consiste à sonder les systèmes utilisés, la destruction causée et à y remédier, en racontant la difficile vérité de son caractère impitoyable. La restitution implique non seulement un transfert matériel (et juridique) des objets coloniaux, mais aussi un retour spirituel d’un savoir sacré qui avait été partiellement perdu. Plus important encore, pour les personnes qui revendiquent leur droit à la mémoire, la restitution assume le sens d’une reconnexion avec l’histoire : une reconnexion qui nécessite leur collaboration avec les institutions qui racontent le passé colonial, en s'engageant dans des pratiques de collaboration. En renouant avec les traces matérielles de leur passé (aujourd’hui conservées dans des musées), en utilisant ou en redécouvrant les connaissances traditionnelles et en s’engageant dans des pratiques collaboratives, les conservateurs, artistes, activistes et universitaires africains et afrodescendants sont désormais à la reconquête des musées. Ils réécrivent les récits, changent les pratiques et partagent leur imagination et leurs connaissances comme outil de « décolonisation ».
L’accent est donc mis sur le processus de partage plutôt que sur le résultat final. Ce partage doit conduire à reconnaître la diversité culturelle et par conséquent à penser le musée non pas comme une entité absolue aux caractéristiques similaires, même «coloniale » dans l’exportation du modèle historique occidental, mais comme une réalité liée aux processus de formation de la mémoire, processus qui, pour des raisons historiques, anthropologiques et sociologiques, ne peuvent pas répondre à des modèles absolus, mais à des réalités territoriales diverses dont chacune élabore son propre modèle.
La présence, en termes de qualité et de quantité, d’œuvres matérielles et immatérielles d’origine africaine dans les musées européens, les institutions dédiées, les institutions religieuses, missionnaires, ethnologiques et scientifiques, principalement les universités, est énorme et au fond peu connue, si non méconnue. Pour toutes les collections non sujettes à restitution, un long processus attend les musées gardiens, leur reconnaissance et leur catalogage avec vérification de la provenance et la définition des critères pour leur exposition et des projets muséologiques pour leur valorisation (systèmes de médiation, projets éducatifs, conservation et restauration). Cela ne peut se faire sans un partenariat intentionnel entre les professionnels des musées européens et africains, ainsi qu'entre les musées européens et les communautés afro-diasporiques en Europe.
Les difficultés d’interprétation concernent, plus généralement, tout l’art qui n’appartient pas à des systèmes culturels durables. En nous référant à des études centrées sur des cultures différentes de la nôtre, nous parvenons à récupérer des visions et des attitudes qui nous permettent de mieux comprendre notre propre héritage et de récupérer l’intelligence de notre passé. C'est précisément pour cette raison que la muséalisation européenne d'objets provenant de l'extérieur de l'Europe ne peut se faire sans un dialogue sur les concepts pivots de ces collections, à savoir les concepts de patrimoine et de musée.
La conférence a pour but la comparaison de ceux deux concepts dans la pensée et la pratique européennes et africaines par deux sessions d’approfondissement théorique par quatre intervenants principaux, deux européens et deux africains et le suivi de deux tables rondes et d'un débat. Ensuite sont prévues des séances de formation avec des présentations et affiches, sur des expériences de muséologues et de professionnels des musées européens et africains, récapitulées par une table ronde finales.
Les interventions et les affiches doivent faire référence aux trois axes (panels) conceptuels du colloque et, en particulier, à :
- Patrimoine et musée, muséalisation, conservation, restauration, recherche, étude et catalogage, numérique.
- Installations muséales. Nouvelles lectures et nouvelles interprétations.
- Patrimoine. Musées. Collections. La contribution des communautés.
Le comité scientifique appréciera particulièrement l'exposé et la mise en évidence des défis (politiques, sociales, technologiques, managériales, organisationnelles, de personnel et de formation du personnel) que les professionnels des musées africains et européens doivent faire face pour établir des relations plus anticoloniales. Les intervenants sont invités à présenter leurs propositions en anglais ou en français avec un court texte explicatif (max 300 mots), le titre et le panel de référence en précisant s’il s’agit d’une intervention ou d’une affiche.
Les proposants choisis par le comité scientifique devront présenter personnellement leur rapport ; aucune relation en ligne n'est prévue. L’invitation comprend la couverture des frais de voyage et d’hébergement sur le lieu de la conférence.
Les affiches reçues pourront être envoyées, même par courriel, à l'organisation de la conférence, et seront en ce cas imprimés et affichés à ses frais. Aucun frais de déplacement ou d’hébergement est prévu pour les auteurs d’affiches.
Toutes les propositions doivent être reçue à l’adresse chair.icomeurope@gmail.com avant le 25 avril 2025. Les propositions reçues après cette date ne seront pas évaluées et prises en considération. Les admissions seront annoncées d'ici le 10 mai 2025.