25e Conférence Générale de l’ICOM à Kyoto
Les travaux de la 25e Conférence Générale de l’ICOM, rassemblant plus de 4000 professionnels de musée, se sont achevés samedi 7 septembre 2019 à Kyoto.
Une délégation française très nombreuse (73 professionnels français) y a participé.
Le comité national français de l’ICOM a été particulièrement actif sur les trois sujets-clés à l’ordre du jour de cette conférence générale :
La « nouvelle » définition du musée
Proposée par le conseil exécutif de l’ICOM le 25 juillet, les termes retenus pour actualiser la définition existante ont suscité tout l’été l’émoi parmi les professionnels, en particulier en France. Commençant ainsi : « Les musées sont des lieux de démocratisation inclusifs et polyphoniques, dédiés au dialogue critique sur les passés et les futurs. Reconnaissant et abordant les conflits et les défis du présent, ils sont les dépositaires d’artefacts et de spécimens pour la société. Ils sauvegardent des mémoires diverses pour les générations futures et garantissent l’égalité des droits et l’égalité d’accès au patrimoine pour tous les peuples », la proposition tient plutôt de la déclaration de d’intentions que d’une définition, ce qui surprend quand on sait que la définition des musées par l’ICOM sert de référence dans le monde entier et est incluse dans les textes réglementaires ou législatifs de nombreux états membres.
La réaction du comité national français a été immédiate : dès juin, un courrier a été adressé par Juliette Raoul-Duval, Présidente d’ICOM France, à Suay Aksoy, Présidente de l’ICOM pour signaler la politisation inappropriée du rapport préparatoire à cette définition. A la sortie sur les réseaux sociaux de la définition elle-même, un communiqué a été publié, largement relayé par les membres d’ICOM France (qui en compte 5200), par la communauté des musées dans son ensemble, par de nombreux professionnels et personnalités de la culture et par la presse. Les termes alambiqués, la tonalité plus politique que professionnelle ainsi que la précipitation à faire voter cette modification d’envergure impactant les statuts de l’organisation ont entrainé la mobilisation derrière la position française conjointe avec ICOM Europe, de 27 comités nationaux et 7 comités internationaux, signataires solidaires d’une lettre adressée mi-août à la Présidente de l’ICOM l’invitant à surseoir à la tenue de l’Assemblée Générale extraordinaire du 7 septembre ayant ce seul point à son ordre du jour. Invitation que la présidente d’ICOM a décliné. Tout au long de la semaine à Kyoto, les signatures se sont alors multipliées, rassemblant au final une large majorité de membres, confrontés à des débats difficiles, divisant à la limite de la rupture cette communauté professionnelle de 44 000 membres, répartis dans 135 pays et soudée depuis plus de 70 ans.
Au vote, la décision de repousser l’adoption de cette définition a recueilli 70, 41 % des voix.
Il s'agit maintenant de reprendre le dialogue sereinement en prenant en considération l'importance que revêt pour certains pays membres la reconnaissance de missions sociales et politiques de leurs musées.
S’il est toujours intéressant d'actualiser une définition, cela peut se faire sans fracturer une organisation. Le travail sur la redéfinition du musée va donc se poursuivre, dans un climat qu'on espère apaisé et selon un calendrier propice à l’expression démocratique. Le comité national français revendique d'y être pleinement associé.
La francophonie
La France avait lancé l'initiative de créer un réseau mondial des musées francophones. La réunion de préfiguration s’est tenue à Kyoto le 3 septembre en présence de représentants de 40 membres de 17 pays francophones. Le désir de se retrouver en réseau, la volonté de faire des musées des acteurs à part entière de la francophonie en même tant que le constat d'une perte d'usage du plurilinguisme dans les organisations internationales, a été partagé par tous les participants. Ce réseau devra trouver sa forme juridique au sein de l'ICOM, pour pouvoir prendre appui sur la riche base de données des membres, parmi lesquels on peut considérer qu'environ 18 % (7 900 membres) sont francophones ou locuteurs français.
La « décolonisation des musées »
Ce sujet avait été mis à l'ordre du jour car il est dans l’actualité de nombreux pays membres, notamment en France, à la suite de la publication du rapport Savoy-Sarr recommandant la restitution de 26 œuvres au Bénin. ICOM France avait organisé en février une journée de travail : « Restituer ? Les musées parlent aux musées », rassemblant 130 professionnels parmi les plus concernés. Les actes sont disponibles sur son site. Bertrand Guillet, directeur du Château des ducs de Bretagne - musée d’histoire de Nantes, a présenté les principales propositions qui en découlent ainsi que celles qui ont été évoquées lors du « Forum patrimoines africains » en juillet à l’Institut de France : développer la connaissance et la recherche sur les provenances des collections, multiplier les possibilités de travail avec les musées africains, développer des outils d’information et d’éducation des publics sur les collections exposées… Bertrand Guillet a également exposé le projet de son musée, intitulé « Expression(s) décoloniale(s) ». Le film « L’ Afrique collectionnée » a été projeté au cours de la réception de la délégation française à la Villa Kujoyama, résidence d'artistes français à Kyoto.
La France occupe une place grandissante dans l’ICOM. Première contributrice de l’organisation internationale, elle est également en tête en nombre d’adhérents, juste derrière l’Allemagne. Notre communauté professionnelle est de loin la mieux représentée dans les comités internationaux de l’organisation (2484 membres, l’Allemagne arrivant ensuite avec 1500 membres suivie par les Etats-Unis, 1281) et 13 professionnels français ont été élus ou cooptés dans les « boards » de 12 comités internationaux sur les 30 que compte l’ICOM.
Cette remarquable progression était un objectif et un engagement pris par l’équipe élue en 2016. Les institutions et les membres ont positivement répondu à la sensibilisation organisée, tout au long de la mandature qui se terminera le 4 octobre prochain lors de l’assemblée générale d’ICOM France qui se tiendra à l’Institut du Monde Arabe.
Juliette Raoul-Duval
Présidente d'ICOM France