Patrimoine et mémoire de l’esclavage
Retrouvez la captation de notre soirée du 25 novembre dédiée au patrimoine et à la mémoire de l'esclavage
Modérée par Nathalie Bondil, directrice du musée et des expositions de l'Institut du monde arabe, avec les intervenants suivants :
- Klara Boyer-Rossol, historienne, chercheuse et curatrice de l'exposition "Visages d'ancêtres" - musée du château royal de Blois, musée de l'Esclavage Intercontinental de Port-Louis (île Maurice)
- M’hamed Oualdi, professeur d'histoire de l'Europe et de l'Afrique du Nord du XIXe et XXe siècle à l'European University Institute (Italie)
- Hanna Pennock, co-présidente du Groupe de Travail de l'ICOM sur la Décolonisation
- Aly Ndiaye, alias Webster, artiste hip-hop et historien indépendant, curateur de l'exposition "Fugitifs!"
- Conclusion par Coralie de Souza Vernay, responsable Patrimoine & Recherche de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage et Dominique Taffin, chargée de mission au ministère de la Culture et ancienne directrice de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage.
Moments forts de la soirée :
"L’histoire de l’esclavage ne concerne pas simplement les musées d’histoire, elle concerne tous les musées. C’est un sujet porteur d’espoir et d’optimisme parce qu’il y a énormément d’efforts et d’engouement de la part des jeunes générations, des experts et de tous les professionnels des musées".
"Aujourd’hui, la question est de porter les voix des personnes qui ont été en situation d’esclavage et à qui il faut redonner un visage. Comment est-ce que l’on peut rendre hommage à leur héritage ? Une réponse = exposer pour incarner".
Nathalie Bondil, directrice du musée et des expositions de l'Institut du monde arabe.
"Le mythe du sol libre, c’est-à-dire d’une Europe libre d’esclaves, ne vaut pas du tout, même après la Révolution française au début du XIXe siècle."
"Le projet de l’exposition [prévue à l’Institut du monde arabe en 2026], même s’il se centre sur l’esclavage méditerranéen, prend en compte tous les esclaves chrétiens, musulmans, juifs… Des esclaves de peau noire et de peau plus claire aussi. Cette variété était celle de l’esclavage en Méditerranée".
M’hamed Oualdi, professeur d'histoire de l'Europe et de l'Afrique du Nord du XIXe et XXe siècle à l'European University Institute (Italie)
"Exposer ou ne pas exposer ? La question se pose différemment à l’île Maurice et en France. À l’île Maurice, ce sont des témoignages importants pour les descendants. Au contraire, en France et en Europe, la relation est empreinte de gêne vis-à-vis de ces collections."
"Toute ma démarche consistait à réincarner ces visages, à les considérer dans leur individualité". Les origines de ces personnes ont pu être retracées, parfois même depuis des localités assez précises, et les descendants identifiés".
Klara Boyer-Rossol, historienne, chercheuse et curatrice de l'exposition "Visages d'ancêtres" - musée du château royal de Blois, musée de l'Esclavage Intercontinental de Port-Louis (île Maurice)
"Il y a deux types d’annonces dans les journaux [québécois] de l’époque : esclaves à vendre, et esclaves en fuite. Quand les gens s’enfuient, une annonce parait dans les journaux avec la description de leur physionomie, de leur habillement, des traits intellectuels. Je suis parti de ces descriptions pour illustrer ces personnes, et ainsi donner un visage humain à des gens déshumanisés par l’esclavage".
"Il faut célébrer la résistance, parce que quand on parle d’esclavage, il faut toujours parler de résistance à l’esclavage. Ces gens ne sont pas que des victimes de la traite ou de ce système oppressif. Leur combat est quotidien".
Aly Ndiaye, alias Webster, artiste hip-hop et historien indépendant, curateur de l'exposition "Fugitifs!"
"Une partie de la décolonisation des collections demande de regarder les descriptions des œuvres et d’y ajouter des récits. Que peuvent faire les musées ? La restitution, le rapatriement d’objets. Les musées ont besoin d’un nouveau scénario, de nouveaux modèles, d'approches multiples"
"Pour démanteler l’héritage colonial, préparer la justice historique et lutter contre le racisme systémique, il faut réparer ce sentiment de ne pas être et restaurer la fierté et l’estime de soi. Il faut se réconcilier avec le passé, au niveau mondial".
Hanna Pennock, co-présidente du Groupe de Travail de l'ICOM sur la Décolonisation
"Une autre approche peut être aussi, toujours dans une perspective d’individualisation sans héroïsation, de repartir d’un récit de vie. Dans les musées, on va reprendre des éléments biographiques pour retracer des parcours de personnes bien identifiées".
Dominique Taffin, chargée de mission au ministère de la Culture et ancienne directrice de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage.
"Ce qui apparaît dans les mots, c’est là un rôle essentiel des professionnels du patrimoine aujourd'hui. Le sujet des titres est une vraie question d’histoire de l’art. Il n’est pas fixé, nous avons cette liberté de changer les titres, qui n’étaient peut-être pas aussi figés qu’on a pu le croire".
"À la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, l’idée que nous portons, c’est qu’il s’agit de notre histoire à tous".
Coralie de Souza Vernay, responsable Patrimoine & Recherche de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage