Les collections patrimoniales ont-elles un avenir ?
Depuis le dix-huitième siècle ont été amassées, inventoriées, étudiées et cataloguées d’innombrables collections patrimoniales. Soigneusement stockées et conservées, et en partie exposées au public par des monuments, des archives, des bibliothèques et surtout des musées, elles représentent un fardeau envahissant et d’autant plus coûteux que, depuis une cinquantaine d’années, la patrimonialisation n’a cessé d’élargir son domaine d’action.
En France où elles sont, pour une grande partie d'entre elles dit la loi, inaliénables et imprescriptibles, et partout ailleurs dans le monde, quelle est donc leur utilité au moment où, du moins en apparence, seules les grandes expositions temporaires, réalisées à grand frais pour de courtes périodes, sont susceptibles d’attirer un public nombreux ? Les collections, notamment celles que les musées par principe (selon la définition jusqu'il y a peu consensuelle, diffusée par l’Icom) sont obligés de détenir, représentent-elles encore pour ces derniers un avantage déterminant ?Dialectiquement, et même si cette proposition semblera à certains sacrilège, ne faut-il pas envisager de se défaire des collections ? Ou, comme on le fait dans une bibliothèque, de les « désherber » périodiquement en mettant au pilon des pans entiers de collections, des séries, ou de multiples exemplaires identiques devenus encombrants, démodés ou inutiles ? Les musées doivent-ils accepter sans discussion les legs des collectionneurs ou les collections des différents musées qui décident de fermer ?
Les collections sont au cœur des politiques patrimoniales et muséales. Mais on n’en parle qu’assez peu. Il aura fallu que la loi impose aux établissements labellisés « Musées de France » la production d’un projet scientifique et culturel (ou son renouvellement) puisque le volet scientifique concerne surtout la gestion des collections, pour que les responsables des musées soient contraints de retravailler cette ardente obligation. Les chercheurs contemporains en muséologie, dès la période où ils se sont davantage centrés sur les publics et les médiations, ont cessé de s’intéresser aux collections : elles demeurent en arrière plan de la réflexion muséologique comme une sorte d’impensé ou de non-dit. Certes, les musées ont des collections, mais ce ne sont plus elles qui constituent le levier de leur réputation internationale et le fer de lance de leur politique culturelle en direction des publics. Il faut cependant remarquer que l’univers des collections, sur le plan professionnel, a vécu deux petites révolutions. Il a d’abord été décidé qu’il était indispensable au XXIe siècle qu’elles soient numérisées afin que leurs listes - et les fichiers correspondants - soient mises en ligne ou versées dans des bases de données générales ou spécialisées. Et par ailleurs, à l’occasion de déménagements ou de rénovations, on a décidé de les transférer en sécurité dans des réserves le plus souvent aménagées dans de nouveaux bâtiments, dans l’idéal visitables. C’est, entre autres, le cas du CNAM ou du MUCEM, mais aussi du Museon Arlaten et son CERCO, de Confluences, du Schaudepot du Campus Vitra, et bientôt du Louvre. De facto, la numérisation des collections et la transformation des caves et greniers en réserves dûment climatisées sont les deux seules innovations qui ont traversé le monde clos et opaque des collections patrimoniales.
Pourtant, on observe un certain frémissement dans la vie et surtout la politique scientifique et culturelle des grandes institutions patrimoniales. C’est le cas notamment du musée du Louvre qui a délibérément réorienté sa politique d’expositions temporaires en privilégiant la mise en valeur de ses propres collections. Mais d’autres tendances viennent secouer ou malmener le monde des collections patrimoniales. Faut-il conserver tous les vestiges archéologiques mis au jour lors de fouilles dites de sauvetage qui se sont multipliées ? Comment intégrer dans les réserves les objets qui n’ont pas de matérialité ou de présence physique telles les performances de l’art contemporain ou les résultats de collectes de témoignages oraux conduites par les musées des sciences et des techniques ou ceux d’ethnologie ? Faut-il choisir, et si oui au nom de quelle politique, entre les collections nobles et dignes et celles qui, parce qu’elles sont sales, dangereuses, honteuses et indignes, ne le mériteraient pas ?
Suite de l'appel à proposition
Envoi des résumés
Merci d’adresser vos propositions d’articles sous la forme de résumés (5000 à 7000 signes) par courriel avant le 16 décembre 2019 à : Daniel Jacobi (danieljacobi[a]orange.fr), avec copie à culture-et-musees[a]univ-avignon.fr et Marie-Christine Bordeaux (marie-christine.bordeaux[a]univ-grenoble-alpes.fr).
Les résumés comporteront :
- un titre,
- 5 références bibliographiques mobilisées dans le projet d’article,
- les noms, adresse électronique, qualité et rattachement institutionnel (université, laboratoire) de leur auteur.e., ainsi que des références bibliographiques pour chaque auteur.e (5 environ par personne) Ils détailleront :
- l’ancrage disciplinaire ou interdisciplinaire de la recherche,
- la problématique,
- le terrain ou le corpus,
- la méthodologie employée
- le cas échéant, une première projection sur les résultats
Calendrier
- Octobre 2019 : diffusion de l’appel à propositions d’articles : 16 décembre 2019 : réception des propositions (résumés) Mi- janvier 2020 : réponses aux propositions (résumés) Mi-avril 2020 : réception des textes complets Mai-juin 2020 : expertise en double aveugle Début septembre 2020 : réponses définitives aux auteur.e.s et propositions éventuelles de modifications Novembre 2020 : réception des versions définitives Novembre-décembre 2020 : début du processus éditorial Juin 2021 : publication
Contact
Daniel Jacobi
danieljacobi[a]orange.fr
Avignon Université
74 rue Pasteur
84029 Avignon