Patrimoine, culture et commun(s)
Pour la quatrième année consécutive, les élèves conservateurs de l’Institut national du patrimoine (INP) organisent conjointement avec les doctorants de l'Institut des sciences sociales du politique (ISP – UMR 7220) une journée d'étude portant sur des problématiques communes au droit et au patrimoine. Elle se déroulera le 30 mars 2022 et investira, en quatre séquences, les nouveaux enjeux dans le champ de la culture et du patrimoine, au prisme des communs.
Les conférences auront lieu de 9h00 à 18h00 à l’auditorium Jacqueline-Lichtenstein, galerie Colbert (2 rue Vivienne, 75002 Paris)
Entrée libre sur inscription – Inscrivez-vous
Pour plus d'informations, contacter : manifestations.scientifiques@inp.fr
Thématiques
1. Les lieux culturels du commun
Les récents débats autour des demandes de restitution ainsi que l’émergence de multiples musées communautaires ces dernières années interrogent la vocation universaliste que les réflexions post-révolutionnaires ont inscrite au cœur de l’identité du musée. Confronté au repli croissant de la conservation du patrimoine vers les seules communautés qui l’ont généré, le musée devient le lieu privilégié de la confrontation entre universalité et commun(s). Considérant qu’aucun lieu ne peut être seul le théâtre de l’histoire universelle, le philosophe Souleymane Bachir Diagne constate qu’il n’y a aucun musée universel sur le sol africain et invite par conséquent à rompre avec l’“européocentrisme” qui leur serait inhérent. Au-delà du seul musée, les communs interrogent plus largement les pratiques culturelles en favorisant l’émergence de tiers lieux. Investis de manière spontanée par des collectifs en dehors de tout contrôle étatique ou de toute structure associative, ils connaissent un succès croissant et ouvrent de nouvelles perspectives à la mise en commun des lieux de culture.
2. Socialiser les communs
L’irruption des communs dans le domaine patrimonial revêt plusieurs aspects : transformation des politiques publiques et des modes de gouvernance, émergence de nouveaux modèles culturels, élargissement des attentes des publics en matière de participation et de mise en partage des collections, ... Face à ces mutations qui induisent la déconstruction d’une certaine institutionnalisation de la conservation du patrimoine et interrogent la prise en charge des communs culturels par des professionnels aux profils sociologiques peu diversifiés, des modes alternatifs d’administration du monde culturel apparaissent et les pratiques professionnelles du secteur se renouvellent. Visant à mieux socialiser les patrimoines et à susciter de nouveaux rapports sociaux-culturels avec les publics, ces innovations inscrivent le patrimoine dans une dynamique de communs. Se jouent également la légitimité des politiques publiques orientées sur la protection d’un patrimoine commun et la reconnaissance sociale de ces dernières.
3. Les droits culturels : les communs favorisent-ils l’accès à la culture ?
Dans un contexte de débats autour de la mise en œuvre des droits culturels, les communs invitent à (re)penser l’accès à la culture par le prisme de ses apports démocratiques ou du mode d’évaluation de ses bienfaits. Qu’ils soient compris comme les indicateurs d’une économie du bien-être ou apportent de nouvelles réponses aux exigences toujours croissantes de démocratie participative et de contrôle des activités de l’État, les communs interrogent par le biais des droits culturels des habitudes bien installées portant notamment sur le rôle et l’organigramme des archives publiques ou sur les effets concrets de l’accès à la culture sur le développement individuel. De multiples cas d'espèce démontrent qu’à chaque fois, l’enjeu consiste à adopter une démarche de co-construction de l’accès à la culture avec l’aide de communautés ou d'individus soucieux de prendre part à la mise en œuvre des politiques culturelles et de peser sur leurs orientations.
4. Une appropriation culturelle des communs ?
Plusieurs décisions ont récemment admis la possibilité d’une appropriation culturelle d’éléments patrimoniaux considérés comme appartenant à des communautés spécifiques. Si cette jurisprudence n’en est qu’à ses prémices, elle n’en invite pas moins à imaginer de nouveaux modes de protection des communs et à interroger les modalités de réparation requises par leurs abus ou usurpations. Si l’attribution de droits apparentés aux droits d’auteurs à des communautés soucieuses de défendre leur patrimoine peut à cet égard apparaître comme une solution, de nombreuses questions demeurent en suspens et invitent à élaborer sur ce point une What If History juridique : à quelles conditions peut-on reconnaître à une communauté des droits de propriété intellectuelle sur un patrimoine immatériel ? Serait-il souhaitable d’instaurer un domaine public payant pour gérer collectivement ce patrimoine et le protéger de détournements à visées commerciales ? En plus d’intrroger la notion d’appropriation culturelle, il s’agit également d’interroger son irruption récente dans les pratiques institutionnelles de conservation du patrimoine. Les prises de conscience et revendications communautaires qui caractérisent notre époque pourraient-elles désormais interdire à des professionnels de la culture de travailler sur un sujet relevant d’une autre catégorie sociale ou ethnique que celle dont ils relèvent ? Les communs sont-ils réellement mieux gardés par les détenteurs des pratiques culturelles ?