Arts & Vestiges : contextualisation, exposition, scénographie
Produit de la pensée encyclopédiste, le musée révolutionnaire constitue la quintessence du projet universaliste initié par les Lumières, violemment critiqué, dès sa création, par l’historien d’art et archéologue Antoine C. Quatremère de Quincy. En effet, dans Les Lettres à Miranda sur le déplacement des monuments de l’art de l’Italie publié en 1796, Quatremère dénonce déjà la politique mise en place par le Directoire et Napoléon Bonaparte sur la saisie des œuvres d’art au bénéfice de la France[1]. Les questions soulevées par ce texte concernant la décontextualisation des œuvres de leurs lieux d’origine interrogent la nature même de l’esprit de découverte propre à l’indivisible « république des arts ». Ainsi, Quatremère soutient que « diviser c’est détruire », par conséquent, entreprendre quelque transfert partiel se résumerait à opérer une mutilation inévitable à ses auteurs[2]. Débat d’actualité, le sujet passionne. Cependant, les multiples réponses apportées semblent souvent mener à une impasse ; la décontextualisation, au-delà de la problématique complexe posée par la restitution des œuvres, soulèvent également le questionnement des méthodes de représentation des œuvres dans les espaces muséographiques ou archéologiques.
Depuis le cabinet de curiosités, aménagé de manière éclectique pour le seul plaisir du monarque, en passant par les galeries princières progressistes jusqu’au musée ouvert au peuple, les espaces dédiés à l’Art et à l’Archéologie n’ont cessé de faire évoluer leur présentation en fonction de leurs desseins. Tantôt baroque, tantôt encyclopédique, la mise en scène des objets a toujours eu pour but de produire un effet sur le visiteur. De toute évidence, les discours idéologiques, les narrations et les récits politisés, scénographiés au moyen des objets, priment sur le sens réel des œuvres et des vestiges présentés. A notre époque, les présentations de l’art et de l’archéologie semblent être sous l’influence d’une esthétique ayant pour tendance la standardisation d’un modèle au détriment de contextes historiques et scientifiques.
De quelle manière le bien culturel, objet d’art ou vestige archéologique, est-il mis en valeur dans les espaces du patrimoine, qu’il soit issu de la production européenne ou extra-occidentale ? Quelles sont les stratégies d’influence qu’entretient le musée - ou les lieux qui lui sont associés - avec les enjeux de contextualisation, expographique, scénographique, et dans quels buts ? Il s’agira de se demander également ce que signifie en soi « recontextualiser » un objet ? Quelles sont les moyens intellectuels, matériels, techniques ou technologiques qui peuvent être mis en œuvre pour y parvenir ?
Les lieux de l’art et/ou ceux de l’archéologie peuvent-ils se définir comme des « zones à part », apatrides et universalistes, au moment où les films sur l’art après-guerre puis, à l’orée des années 2000, les sites internet et les réseaux sociaux constituent des moyens alternatifs d’exposition, ou au contraire, concrétisent-ils des espaces subversifs, des « îlots de résistance » dans la globalisation des cultures, devant encore trouver leurs modes d’expression ?
Cette rencontre, organisée en partenariat avec le Centre de Recherche sur l’Amérique Préhispanique, le Centre André Chastel et l’École Doctorale 124 de Sorbonne Université, a pour objectif de réunir doctorants, jeunes chercheurs et professionnels du monde de la recherche. En abordant les réflexions énoncées par Quatremère de Quincy, le thème de ce colloque invite à se pencher sur les problèmes et les solutions engendrées par la circulation des œuvres et des objets archéologiques, lors des contextualisations et leur présentation, mais également sur les actions de mise en valeur du patrimoine artistiques et/ou archéologiques in situ. Cette volonté de recontextualisation des pièces arrachées à leur contexte d’origine change-t-elle selon qu’elle s’effectue dans un musée archéologique ou des Beaux-Arts ?
Par le biais d’une approche pluridisciplinaire, convoquant les méthodes historique, archéologique, anthropologique, muséologique et artistique, nous souhaitons porter un regard nouveau sur les thématiques de la contextualisation de l’art et des vestiges. Aussi, une exposition photographique viendra illustrer le travail de la recherche archéologique contemporaine en Bolivie. Intitulée « Missions Tiahuanaco : aux origines des Incas », cet événement abordera l’évolution des projets archéologiques menés actuellement dans le bassin du lac Titicaca, tant en milieu terrestre qu’au moyen de fouilles subaquatiques. Hébergée dans la grande galerie Colbert de l’INHA à Paris, l’exposition ouvrira le champ d’action du CeRAP sur les disciplines spécifiques de la muséologie/muséographie de l’Art et de l’Archéologie préhispanique.
Enfin, le colloque « Arts & Vestiges » offrira un espace d’échange et de communication permettant d’articuler les différents domaines de la recherche et de croiser les regards.
Il s’inscrit dans les démarches d’investigation du CeRAP et du Centre Chastel en faveur d’un partenariat dynamique entre Art et Archéologie ; ces disciplines ayant pour point commun les multiples influences réciproques dans la construction et la représentation des cultures dans le monde occidental. Événement inédit, ce colloque donnera lieu à la publication des actes suivie d’un catalogue d’exposition.
Les propositions de communications (environ 300 mots), présentant une courte bibliographie (accompagnée d’un CV d’une page précisant l’institution de rattachement ainsi qu’une adresse e-mail de contact), sont à envoyer par courriel : contextualites@gmail.com
Date limite d'envoi des contributions : 31 mars 2019
Membres organisateurs de Sorbonne Université :
Micaela Neveu, Doctorante, CeRAP
François Cuynet, Maître de conférences, CeRAP
Daniel Lévine, Professeur titulaire de la Chaire d’Archéologie des Civilisations de l’Amérique Préhispanique, CeRAP
Arnaud Maillet, Maître de conférences, Centre André Chastel
Sabine Berger, Maître de conférences, Centre André Chastel
oanna Sezol, Doctorante CeRAP
Marie Planchot
et l’équipe de l’École Doctorale 124.
Comité scientifique : Daniel Lévine, Arnaud Maillet, François Cuynet et Micaela Neveu